❝Sora x Nymeria

    ♡ Close your eyes and I'll take you far away

Il était allongé sur son lit lorsque Sora ouvrit les yeux pour la cinquième fois. La nuit était noire, la lumière de la lune tentait de se faufiler à travers les rideaux et la seule rumeur qui courait autour de la chambre était celle des vagues allant et venant sur la plage. Il fixa longuement le plafond, incapable de se rendormir, le crâne plein de songes sans queue ni tête, mais qui avaient tous un point commun. Sora se tourna sur le flanc et fixa la mer qu'il apercevait depuis la fenêtre, se laissant bercer par le chant des vagues sans parvenir à trouver le sommeil. Cela ne l'empêcha pas de fermer les yeux, respirer un bon coup et se rappeler le doux visage de la sirène qui hantait ses rêves depuis maintenant près de cinq ans. Il n'était pas passé un jour depuis sans qu'il ne pense à elle, sans que quelque chose dans sa journée ne lui rappelle l'une des profondes discussions qu'il avait eue avec sa sirène. Lentement mais sûrement, son inconscient se mit au travail et l'emporta au pays des songes, seul endroit désormais où il pouvait voir sa précieuse Nymeria.




Comme d'habitude, et chaque fois qu'une journée s'apprêtait à s'achever, Sora avait échappé à la surveillance de son entourage pour rejoindre la plage qui bordait les côtes de Bluebell, en aval de sa grande demeure. Depuis quelques temps, la première pensée qu'il avait lors de son réveil se tournait vers l'envie que la journée se termine, et ce sans que personne ne sache réellement le pourquoi du comment. Pendant que tous les enfants de son âge faisaient leurs devoirs – il n'avait que 12 ans à cette époque – lui préférait tout bonnement disparaître dès les premières lueurs du crépuscule, pour réapparaître comme par magie une fois la nuit tombée. Tout le monde ignorait ce qu'il faisait entre temps, et personne ne cherchait réellement à savoir ; la seule potentielle intéressée aurait été sa mère, mais trop occupée par le travail, elle ne savait même pas qu'il s'absentait. Et c'était tant mieux, car bâtard ou pas, il n'aimait pas mentir à sa Maman. Bien qu'il soit le premier à le faire dès que l'occasion se présentait. Mais personne ne le blâmerait pour ça pour la simple et bonne raison que tous les enfants mentent à leur parents. Et cette fois, il avait une bonne raison : il faisait ça pour garder Nymeria. Après tout, elle était son secret, et il ne comptait pas partager avant un certain moment... non seulement parce qu'elle l'avait menacé de le noyer s'il révélait son existence à qui que ce soit – les humains pouvaient de montrer bien cruels parfois, et lui savait bien, même à douze ans, à quel point garder certaines choses secrètes était indispensables – mais aussi parce qu'il se trouvait que le garçon s'était peut-être un peu trop attaché pareil pour que l'idée qu'elle rencontre d'autres garçons de leur âge ne l'enchante. Il traversa l'herbe, se fraya un chemin parmi les rochers et finit par atteindre la plage. Ôtant ses chaussures comme à son habitude, il les posa à l'abri des regards et ses pas foulèrent le sable chauffé par la journée ensoleillée. Il remonta les pans de son jeans et trempa les pieds dans l'eau pour atteindre le N&S qui, compte tenu de la marée montante, voyait sa partie inférieure submergée petit à petit.

Une fois installé sur le sommet de la pierre gravée à leurs initiales, Sora leva les yeux vers le ciel. Lentement mais sûrement, le soleil descendait dans la voûte céleste, et les nuages rougissaient. Bientôt, les teintes bleues du ciel devinrent violettes, et un sourire se dessina sur les lèvres du garçon. Nymeria ne tarderait pas à arriver, et alors qu'il s'allongeait de tout son long sur le rocher, Sora ferma les yeux et se laissa emporter par le bruit des vagues. Chaque fois qu'il se rendait au bord de cette plage constamment déserte, le gamin semblait changer de monde. Fini le collège, fini les bagarres avec les autres enfants, fini les oncles qui n'ont que le mot "bâtard" à la bouche... tout ça semblait emporté par la marée, au même titre que les coquillages enfouis dans le sable et pas assez puissants pour s'y accrocher. Ses doigts parcoururent la gravure, le "N&S" qui ne cessait de prendre de l'ampleur dans la vie des deux concernés. Cela faisait quatre ans qu'ils se côtoyaient quotidiennement, et on pouvait dire leur relation avait évolué de manière tout à fait insolite.
« Eh Nym' ! Si tu viens pas je m'en vais ! »
s'exclama-t-il, les yeux clos, persuadé qu'elle l'entendrait, et comme s'il en était capable. Elle était devenue une drogue, et passer une journée entière sans la voir était devenu un supplice. Pourtant, il y était contraint par moments, chaque fois qu'on parvenait à lui mettre la main dessus avant qu'il n'ait eu le temps de filer à l'anglaise. Il se tourna sur le ventre et laissa son bras retomber mollement dans l'eau, la tête appuyée sur la surface rocailleuse de leur "navire".
« J'compte jusqu'à trois. »
C'était plus de la provocation qu'autre chose, et c'était parce qu'il savait la faire réagir qu'il agissait de cette manière.
« Un... »
Son bras se balança dans l'eau avec lenteur, comme s'il s'ennuyait, comme s'il l'attendait sans lui montrer qu'il se languissait de son absence.
« Deux... »
Le mouvement de son bras s'accéléra légèrement, et il se préparait à annoncer le troisième chiffre, quand elle se montra enfin. Sa Nymeria, sa précieuse Nymeria.

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